Jean Graton a dessiné pour le journal Les Sports avant de créer son pilote de Formule 1. C’est un monstre sacré du IXe art qui vient de tirer sa révérence à 97 ans. Le dernier rescapé d’un âge d’or qui a conféré ses lettres de noblesse à la bande dessinée et qui a définitivement assis notre pays comme vitrine mondiale d’un art complet mais trop souvent encore dénigré.
Jean Graton, le père de Michel Vaillant, était une légende. Un amoureux de la mécanique qui a fait toute sa carrière chez nous, pendant près de 70 ans sans jamais renier son léger accent breton.
Lors d’une rencontre à la fin des années 1990, cet homme massif, né en août 1923, aimait raconter qu’il avait baigné dans les bolides dès son plus jeune âge grâce à son père qui était commissaire au Club motocycliste nantais où il organisait des courses régionales. "On allait aussi voir les 24 Heures du Mans. Quels souvenirs", lâchait-il avec un sourire gourmand.
Mais Jean Graton se souvenait aussi de la suite, beaucoup plus compliquée, avec le décès de sa mère quand il n’avait que 11 ans et l’arrestation de son père par les Allemands en 1939. "J’ai dû apprendre à me débrouiller tout seul très tôt." L’adolescent entre alors au chantier naval de Nantes. Une "expérience fondatrice", insistait-il. "Être obligé de faire tout ce qu’on déteste, tout en se faisant engueuler par des gars qu’on ne supporte pas, c’est terriblement motivant quand on est jeune pour se dire qu’il faut être prêt à prendre des risques pour faire ce qu’on aime dans la vie".